Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/418

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
411
APPENDICE iii

rent. Il faut que j’aille passer une robe, car il est tard. Il me semble que le temps se met au beau.


vendredi, 23 août.

La journée d’hier s’est passée beaucoup mieux que je ne le croyais. Par un temps couvert mais doux, nous nous sommes embarqués à midi et demie et, en moins de deux heures, nous sommes arrivés à Canterbury. Les abbés et Rainulphe nous attendaient au Kingshead où nous les avions chargés de nous commander à diner. Rainulphe était bien, à ce qu’on m’a dit, depuis deux jours ; cependant je lui ai trouvé moins bonne mine. Ayant absolument interdit le cheval à mon Rainulphe, précaution dont je me réjouis infiniment attendu que la foule était très considérable, nous sommes montés tous les quatre en voiture à quatre heures et avons été au Race Ground, distant de cinq mille. Nous avons mis Rainulphe et l’abbé à terre et, la voiture s’étant mise en ligne, le Général et moi sommes restés dedans. Un des chevaux appartient à monsieur Ladbrock : en faveur de notre ancienne connaissance, j’ai parié pour lui et j’ai gagné quinze louis à monsieur de Boigne. Du reste, ces courses sont les moins belles possibles : deux seuls chevaux en ont fait les frais ; mais ce qui fait bien voir le génie de la nation est la manière dont les bets se font. Figurez-vous que, dans un charivari, un bruit épouvantable, dès qu’un homme a dit done à la proposition d’un étranger, il se croit engagé à tout jamais. Je suis charmé d’avoir vu le coup d’œil, car il est magnifique. Cette plaine, couverte de voitures, de chevaux, de piétons et qui domine un pays enchanté, offre un spectacle vraiment rare. Enfin la journée m’aurait paru très agréable si nos postillons ne s’étaient pas avisés de run a race aussi, et un malheureux homme s’étant fourré entre deux, les deux roues de la voiture ennemie lui ont passé sur le corps. Cet horrible accident qu’heureusement je n’ai pas vu mais dont j’ai entendu le bruit m’a fait un mal affreux. J’ignore ce qu’est devenu ce malheureux, attendu que nos postillons ne se sont pas souciés d’arréter. De retour à Canterbury, Rainulphe a voulu monter sur son poney,