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APPENDICE iii

la comtesse C. de Boncherolles jusqu’au nécessaire de £ 400, et je vois que, depuis lors, on a toujours sû doser les méchancetés de manière à me faire continuellement de la peine, mais aussi je me promets bien que, si jamais je suis assez heureuse pour voir mes entours mépriser autant que moi leurs rugissements et qu’ils n’aient plus d’influence sur ma paix domestique, les mégères de toutes les espèces, de toutes les nations crieront en vain et qu’il ne sera plus au pouvoir de vils et vénals calomniateurs de m’affliger de quelque manière qu’ils s’y prennent et quelques chers même qu’ils aient été à mon cœur. Voilà cependant ce qui m’a le plus coûté (les chagrins domestiques exceptés) ; quelle leçon pour l’amour-propre ! Quoi, des personnes que mille liens plus sacrés les uns que les autres devaient attacher à moi, qui semblaient m’aimer avec tendresse et abandon, ce n’était pas Adèle, chère maman, ce n’était pas votre Adèle qui leur inspirait ce sentiment ? c’était… et, quand ma manière a changé, quand, outrée de leur conduite peu noble, peu délicate, le froid de la politesse a remplacé la chaleur de l’amitié, l’indifférence qu’ils avaient pour ma personne était portée à un tel point qu’ils avaient l’air même de ne pas apercevoir un changement qui m’avait coûté tant de larmes ! Ah, maman, remerciez pour moi les bons, les excellents amis qui m’ont un peu raccommodée avec ce méchant monde ; dites leur bien qu’en quelque partie du monde que mon étoile me conduise, jamais je n’oublierai leurs tendres soins, leurs bontés si touchantes. Que vous dirai-je à vous, mes plus que tout ? je vous worship tous les jours de ma vie comme mes bons anges. J’implore à mon aide toutes les vertus que vous avez cherché à semer dans mon âme ; je me rappelle tous les sermons du bon papa, je cherche à en profiter, mais, quand je le vois malheureux, persécuté, toute ma misanthropie revient, la raison n’a plus d’empire sur moi et je me laisse aller au désespoir qu’inspire la vue de la vertu succombant sous les efforts du vice. — Bonaparte est-il toujours un gredin, un polisson, ou bien est-ce le plus grand homme qui ait jamais existé ? je n’ignore pas qu’il n’y a pas de milieu et je serais bien aise de con-