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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome I 1921.djvu/99

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

avait pas, ses pistolets sur lesquels son nom était gravé et qui ont été trouvés à Varennes.

Aucun accident ne retarda la marche ; les postillons, bien payés, sans exagération, menaient rapidement. En voyant Charles de Damas à son poste, les voyageurs se flattèrent que les retards apportés à leur départ n’auraient pas de suites fâcheuses ; ils commencèrent à prendre quelque sécurité. Il faisait une chaleur extrême ; monsieur le Dauphin en souffrait beaucoup. On baissa les jalousies qu’on tenait levées et, en arrivant au relais de Sainte-Menehould, on oublia de tirer les stores du côté du Roi et de la Reine, placés vis-à-vis l’un de l’autre.

Leurs figures, et surtout celle du Roi, étaient les plus connues. Le Roi aperçut un homme, appuyé contre les roues de la voiture qui le regardait attentivement. Il se baissa sous prétexte de jouer avec ses enfants et dit à la Reine de tirer le store dans quelques instants, sans se presser. Elle obéit, mais, en se relevant, le Roi vit le même homme appuyé sur la roue de l’autre côté de la voiture et le regardant attentivement. Il tenait un écu à la main et semblait confronter les deux profils ; mais il ne disait rien.

Le Roi dit : « Nous sommes reconnus, serons-nous trahis ? C’est à la garde de Dieu. »

Cependant, on achevait d’atteler. L’homme restait appuyé sur la roue, dans un profond silence ; il ne l’abandonna qu’au moment où elle se mit en mouvement. Lorsqu’ils eurent quitté le relais de Sainte-Menehould, les pauvres fugitifs crurent avoir échappé à ce nouveau danger, et le Roi dit qu’il faudrait s’occuper de découvrir cet homme pour le récompenser, car certainement il les avait reconnus, que lui le retrouverait entre mille. Hélas, il était destiné à le revoir.

Que se passe-t-il dans la tête de ce Drouet, car c’était