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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/110

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CHUTE DE LA MONARCHIE D’ORLÉANS

montés à cheval pour aller visiter les barricades déjà élevées. Ils s’attendaient à les voir s’abaisser devant eux ; mais, loin des acclamations sur lesquelles ils comptaient, ils avaient rencontré des vociférations et des gestes hostiles.

La troupe, sous les ordres du général Bedeau, n’agissait point, et ce général se bornait à parlementer avec la populace, au lieu de la chasser devant lui. Monsieur Thiers avait trop de perspicacité pour ne pas comprendre qu’il avait laissé pousser les choses trop loin et que son tour était passé.

Monsieur Odilon Barrot, au contraire, ayant recueilli quelques poignées de main et quelques cris de : « Vive le père du peuple », parmi les émeutiers, croyait le sien arrivé.

En rentrant au palais des Tuileries, monsieur Thiers avait remis sa démission entre les mains du Roi. Monsieur Odilon Barrot avait accepté, sans hésiter, la charge de former un ministère ; à la condition que le commandement du maréchal Bugeaud lui serait ôté et que toutes les troupes se retireraient dans leurs casernes.

Monsieur de Rémusat venait de rentrer chez lui, où il avait fait ce triste récit. Il ne tarda pas à être suivi de nouvelles toutes de plus en plus inquiétantes.

J’appris successivement l’invasion des Tuileries, le départ du Roi, l’expulsion de madame la duchesse d’Orléans de la Chambre des députés.

Comme je n’ai rien vu de mes yeux, ni entendu de mes oreilles, dans ces fatales journées, j’en raconterai seulement ce qui me touche personnellement, aussi bien que quelques détails peu connus et m’étant parvenus si directement que j’en puis garantir l’authenticité, malgré le trouble accompagnant nécessairement le récit de catastrophes si rapidement multipliées.