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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/120

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CHUTE DE LA MONARCHIE D’ORLÉANS

était remontée dans son appartement du pavillon de Flore, après le déjeuner. Elle était enveloppée dans des schalls, au fond de son fauteuil, lorsqu’elle vit entrer dans sa chambre un inconnu, assez proprement mis, qui lui dit : « Madame, je précède de quelques instants une troupe dont je suis censé le chef, mais, que je ne commande pas ; hâtez-vous de me suivre. Si vous avez sous la main quelques objets précieux, mettez-les dans ce cabas que je vois près de vous ; je ferai mon possible pour le sauver. »

Madame de Montjoie, sans avoir presque connaissance d’elle-même, plaça quelques bijoux, un peu d’argent, quelques papiers, dans son panier. L’inconnu le prit, offrit le bras à la comtesse, ils descendirent l’escalier. Une foule désordonnée le montait en vociférant ; elle les laissa passer.

Sortis des guichets des Tuileries, il demanda à madame de Montjoie où elle voulait aller. Elle se fit mener chez madame de Lasteyrie, où il l’accompagna en la comblant d’égards, et sans se faire connaître. Je ne sais si elle y précéda ou y suivit la duchesse de Montpensier.

La berline, que nous avons vue quitter Saint-Cloud, au lieu de prendre la route de Normandie, se dirigea sur Dreux. On voulait s’agenouiller encore une fois auprès des tombeaux qui renfermaient des êtres si chers et laisser le temps à des serviteurs et à des bagages de rejoindre les fugitifs.

Mais les rapports qui se succédaient de moment en moment et les ordres adressés aux sous-préfets ne permirent pas de suivre le projet d’y séjourner. En arrivant à la préfecture d’Évreux, avant le jour, la famille royale comprit la nécessité de se séparer. Le Roi et la Reine traversèrent la ville dans la voiture du préfet, en renon-