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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

de la consolation que j’attends de trouver en eux des gens qui savent vous apprécier, et auxquels je pourrai parler de tout ce que j’ai perdu, etc… Avec quelques amitiés et quelques compliments, c’est là toute ma lettre. — Maintenant, je vais vous mettre au fait de ma situation actuelle, de ce que j’ai fait, de ce que je compte faire, car je sais bien par moi-même qu’il n’y a pas de si petit détail qui n’intéresse quand il regarde ce qu’on aime. Monsieur de Boigne est fort indécis ; il ne sait pas s’il passera les quinze jours qu’il compte rester ici, à Hambourg ou à Altona. Comme cela m’est également désagréable, je le laisse faire à son goût. J’ai été tous les soirs à la Comédie Française, où j’ai entendu chanter dans Les Prétendus une mademoiselle Guenêt dont je suis charmée. Je n’ai pas rencontré de plus belle voix, ni de manière de chanter plus simple et plus finie ; enfin, j’en suis dans l’enthousiasme. Un monsieur dont je ne sais pas le nom, mais qui connaît le général et qui est fort obligeant, a été chez elle de ma part, et elle m’a fait dire qu’elle serait à mes ordres ; ainsi je cherche à louer un piano-forte, et aussitôt que j’en aurai un, j’espère faire de la musique avec mademoiselle Guenêt. J’ignore si elle chante l’italien ; je le crois, d’après son excellente manière. Elle ne s’accompagne pas, mais je la chargerai de me trouver un accompagnateur ; l’espoir de chanter avec elle est la seule raison qui me fait préférer Hambourg à Altona, mais j’imagine qu’en lui envoyant ma voiture ; elle viendra me trouver où je serai, d’autant plus que je ne compte l’avoir que le matin, et en forme de leçons. La Comédie Française m’amuse beaucoup ; on a donné deux petits opéras-comiques, dont la musique est vraiment charmante ; ce sont Les Prétendus et l’Ami de la Maison. Il n’y a que mademoiselle Guenêt qui sache chanter, mais tous les acteurs savent leurs parties, vont