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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/165

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

mais c’est plus fort que moi : — Adieu, mes bons amis ; je réunis père, mère et frère pour leur faire mille caresses. Amitiés au bon abbé.



Altona, 8 décembre.

Voilà votre lettre du 29, ma bonne maman, remplie de tendresse comme à l’ordinaire et, comme à l’ordinaire encore, de bons conseils. Non, ma chère maman, quand j’ai demandé à Rainulphe de faire oublier sa sœur, je comptais bien qu’il n’en serait rien ; sans cela, je me fusse bien gardée de faire pareille requête ; elle serait bien trop cruelle pour mon cœur qui ne vit que par vous et pour vous. Vous me recommandez la patience et le courage : sur mon honneur, je crois que vous seriez contente de moi ; je pousse l’un et l’autre au plus haut degré de perfection ; je pourrais vous en citer mille exemples, mais ce serait trop long. Je végète ici depuis deux jours, et, si monsieur de Boigne était aussi ennuyé de ce séjour que moi, nous n’y resterions pas longtemps. Ce n’est pas qu’il ne me déplaise aussi peu qu’un autre, mais, en dépit de la neige et de la gelée, je meurs d’envie d’être sur la grande route de Copenhague, et je vous assure que, ce n’est pas pour y arriver. — Je n’imagine pas pourquoi vous vous êtes figuré que nous avions eu un très long passage. Au surplus, j’en suis bien aise, parce que vous avez reçu de mes nouvelles longtemps avant d’en attendre et cela vaut mieux que plusieurs jours d’inquiétude. Celle que j’avais pour ma réputation est beaucoup moins vive depuis que je vois qu’on a pris à tâche de me l’inspirer. À chaque instant, je vois percer les célèbres paroles : « Elle n’est sensible qu’à l’honneur,