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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/169

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

à cœur ouvert. Mes lettres portent un cachet de vérité et doivent vous rassurer sur ma situation qui, à l’ennui près, n’a d’autre nouvel inconvénient que le malheur d’être éloignée de vous. — Adieu, mes chers amis ; je veux sortir aujourd’hui, car je crois que ma migraine d’hier tenait un peu à la vie renfermée que je mène depuis que je suis ici. Et puis, je vais étudier mon piano pour faire moins cativa figura demain matin. — Le nom de l’homme qui épouse mademoiselle de Viguier est Cockburn et non pas Colnbrook. Je crois le connaître ; si cela est, c’est un fort joli garçon et le fils de sir James Cockburn, mais c’est un younger brother ; on dit, au surplus, que ses places lui font un revenu de deux mille livres sterling. Il me paraît, entre nous, que la future ne joue pas ici le même rôle qu’à Londres et, d’après la manière dont on en parle, il me semble qu’on la traite avec bonté. — Adieu, chers amis. Je prie Rainulphe de vous caresser pour moi, mais à condition qu’il me fera regretter plutôt qu’oublier.


Altona, mercredi 11 décembre.

Mes efforts ont été couronnés du plus brillant succès : j’ai battu mademoiselle Guenêt à plate couture ; elle m’a prodigué les louanges avec beaucoup plus de vérité et infiniment moins de plaisir que lundi dernier ; l’homme qui m’accompagnait était dans l’enthousiasme. Mademoiselle Guenêt a chanté l’air d’Œdipe : « tout mon bonheur est de suivre vos pas » ; je l’ai priée de m’apprendre à le prononcer ; les paroles m’ont inspirée ! J’ai eu de la peine à le finir, mais j’avoue que j’ai été contente de moi. Cela m’a rappelé la partition d’Alceste