Aller au contenu

Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

lettres, et peut être un individu, Ch… J’ai eu l’air d’apprendre cette nouvelle avec une joie qui a fort déconcerté le nouvelliste. « Mais je croyais que vous n’aviez nul souci de vivre avec une autre femme ? » : — « Une étrangère, vous avez raison, mais une parente, c’est bien différent ; d’ailleurs il y a déjà longtemps que j’ai une très grande envie de savoir qui je suis, et j’imagine que je saurai des détails que vous me cachez. » Et voilà mon seigneur très embarrassé, tourmenté par ses propres armes. De quelque manière que les choses tournent, il me semble que j’ai pris le parti le plus sage. Néanmoins, nous sommes encore ici et c’est ce qui me désole.

J’ai été l’autre jour chez la duchesse d’Havré, mais je n’ai trouvé personne. Hier, mademoiselle de Viguier s’est mariée : j’ai vu ses camisoles de nuit qui sont de la plus grande magnificence ; le tout est garni de superbe dentelle. Monsieur de Boigne, après m’avoir engagée à ne point envoyer de billet chez madame de Viguier, me persécute ce matin pour aller chez madame Cockburn. Vous imaginez bien que je n’en ferai rien, au moins pour aujourd’hui. — J’oubliais de vous dire ce que ce mariage m’a valu, car monsieur de Boigne m’a fait l’honneur de me dire que j’étais infiniment plus jolie que la mariée (qu’il n’a jamais vue) et il est entré ce matin dans ma chambre en m’apportant un sac qui contenait 1500 marks (environ £ 150) en me disant que c’était un présent de noces. J’ai trouvé le présent assez joli, mais il me les a repris depuis, en m’assurant que c’était une plaisanterie. — J’ai été hier dans deux ou trois boutiques qui m’ont paru assez belles. Vous croyez bien que je n’oublie pas votre bœuf, mais, depuis quelques jours, l’Elbe est gelée de manière qu’aucun vaisseau ne peut sortir du port ; vous ne recevrez donc votre bœuf qu’avec le dégel ; ce qui m’afflige le plus est de ne pas pouvoir envoyer à maman