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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/188

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CORRESPONDANCE

pas le temps de faire notre toilette au retour de la campagne servirait également pour ces dames et pour moi. — Au lieu des cent personnes que je croyais trouver à Blankenesse, nous n’étions pas dix. On m’a tant pressée de chanter que je n’ai pu me refuser aux sollicitations de la société et que je me suis passablement tirée d’affaire. Madame de Pardaillan m’a dit qu’elle m’avait beaucoup vue chez madame la duchesse d’Orléans qui raffolait de moi. Sa fille est extrêmement jolie et paraît gentille. — Je vous ai déjà dit que je menais le duc d’Havré et ses filles. En revenant de chez madame de Lorraine, il a parlé à ses enfants d’une manière qui m’a, je ne sais pourquoi, touchée à un tel point qu’en dépit de tous les frowns de monsieur de Boigne j’ai fondu en larmes et j’ai sangloté pendant un quart d’heure. J’ai dîné et passé toute la soirée jusqu’à minuit en quatuor avec madame d’Havré et ses filles. J’aime madame de Solre à la folie ; c’est le seul cœur que j’aie trouvé, à Altona, capable de me comprendre ; j’ai pleuré la moitié de la soirée et c’est la seule que je me rappelle avec plaisir depuis bien des mois. Je n’ai cependant rien dit de ce qui me regarde ; mais j’ai parlé de vous, de vos bontés pour moi, et cette bonne petite princesse m’a d’autant mieux entendue qu’ayant dit le matin à monsieur de B. que le changement de vent devait lui être agréable aussi, il lui a répondu que non, car il n’attendait pas de remises, phrase qui lui a paru fort jolie apparemment, car il l’a répétée plusieurs fois, avec une complaisance dont je lui sais bien bon gré. Au surplus, d’après les rapports que nous ont faits monsieur d’Havré et le général du dîner d’hier, je suis charmée de n’avoir pas été de la partie ; il parait que le plus mauvais ton y a régné ; les nouveaux mariés se tutoient, se cajolent, et, indépendamment de la belle-sœur, monsieur Durand, l’envoyé de la République, était