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CORRESPONDANCE

que c’était vrai, mais que, comme on disait que la plupart étaient roux (monsieur de Stolberg est roux) et que ceux-là ne me plaisaient pas, cela diminuerait mon ouvrage : cette réponse que monsieur de B. a été obligé de prendre en bonne part a mis les rieurs de mon côté.

À présent, ma chère maman, vous vous attendez peut-être que je vais vous dire ce que je dois devenir lors du retour de monsieur de B. ; mais c’est un secret que je ne trahirai assurément pas et, sur notre future destinée, il peut compter sur ma discrétion. Je lui écrirai demain pour savoir sérieusement où nous allons en partant d’ici car, depuis quelque temps, ses plans ou plutôt ses phrases changent chaque jour : tantôt nous devons retourner à Londres immédiatement, tantôt il doit me mener à Munich y acheter une maison, m’y établir et aller chercher sa famille pour l’habiter avec nous, mais comme, malheureusement, ce projet a mon approbation, il est tombé dans l’eau ; tantôt nous devons nous établir à Bariep pour y être aussi heureux que monsieur d’Armaillé et y faire danser les petites paysannes, tantôt nous devons retourner en Angleterre pour nous défaire de tous les liens qui nous attachent à ce maudit pays, tantôt, en se glorifiant d’y appartenir, on jure que c’est le seul qui soit habitable ; tantôt, mais à quoi servent toutes ces folies… Voilà la poste ; il faut fermer ma lettre au plus vite. Adieu mille fois, chers amis.



Nyborg, jeudi 30.

Suis-je donc seule dans l’univers ? Oui, seule, seule avec mes larmes : elles coulent depuis vingt-quatre heures sans interruption et personne ne les a essuyées. Ah !