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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/247

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

a été bénédictin ; il est parent de son prédécesseur et, qui plus est, ami intime de notre cardinal qui paraît charmé de son élection. — Adieu, mes excellents amis ; ce long silence me désespère.


Vendredi 21.

Je ne crois pas vous avoir mandé que nous restions à l’auberge parce qu’on ne trouve que fort peu d’appartements ici et qu’on ne voulait point nous louer le seul qu’on pût avoir pour moins de deux mois, ce qui m’en a tout de suite dégoûtée, et, indépendamment du vif désir que j’ai de retourner dans vos bras, je me trouve fort mal située ici sous tous les rapports imaginables. Cependant, mon séjour est encore indécis : monsieur de Boigne n’a pas reçu les lettres qu’il attend de Suisse et qui doivent, dit-il, déterminer sa marche ; il me promet, au reste, de ne pas être absent plus de quinze jours. Mademoiselle de Marti m’a proposé d’aller chez elle passer le temps de son absence. Je sens bien que ce serait plus convenable que de rester dans une auberge, mais cela me sera insupportable ; il me semble qu’en ne recevant personne chez moi je puis bien y rester, ce qui me serait extrêmement agréable, d’autant plus que je suis devenue si triste et si maussade que ce m’est une véritable fatigue de ne pas le paraître et c’est une dissimulation qu’il me serait impossible de soutenir toute une journée. Je ne sais pourquoi je me trouve si mal ici, car on m’y comble, et j’étais la moitié moins malheureuse à Hambourg. Je ne sais si c’est l’énorme distance qui nous sépare qui ajoute un poids de plus sur mon cœur, mais je crois plutôt que c’est la nécessité où je me trouve d’avoir l’air satisfaite, de ne pas oser parler de tout ce que j’aime, car on a ici la maudite manière du Somerset street de