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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/254

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CORRESPONDANCE

toujours paraître à vos yeux, précisément, ce que je suis. Vous voyez que je regretterais une amitié usurpée. Je ne sais si c’est folie, je ne pouvais pas expliquer l’espèce d’espoir qui m’occupait depuis Nuremberg, et qui m’a fait verser des torrents de larmes en arrivant ici. On a eu la bonté de les prendre pour une marque de sensibilité, mais, point du tout, c’était le désappointement qui les faisait couler. Quoique j’eusse presque honte de me l’avouer à moi-même, il me restait l’espoir d’avoir des lettres… Enfin, j’espérais du moins trouver des gens qui m’entendraient et, tous les jours, je suis de plus en plus détrompée ; du reste, la société dont je vous ai parlé à différentes reprises me déplaît beaucoup. Le ton qui y règne et auquel je n’ai jamais été accoutumée me fatigue et me gêne. Je ne puis croire que c’est le même que les mêmes gens avaient dans leur patrie. On appelle chaque chose par son nom ; on dit la raison pour laquelle madame Untel reste chez elle ; enfin, on m’embarrasse vingt fois par jour, et, en même temps, vous devez concevoir que cela m’afflige. Aussi préférai-je rester chez moi autant qu’il m’est possible, mais cela est bien difficile. — Monsieur le prince de Condé a passé ici cette nuit en allant à Augsbourg où monsieur Wickham lui a mandé de venir le trouver pour terminer les affaires relatives à l’armée. Il paraît que monsieur W. abuse un peu des droits du payeur, qu’il fait voleter tous les chefs d’un bout de l’Allemagne à l’autre et que tout le monde s’accorde à regretter vivement le gentlemanlike and civil colonel Crawfurd. Je n’ai point vu le prince à son passage, quoiqu’il ait logé dans cette auberge ; mais, j’avoue que ma curiosité ne m’y portait pas autant qu’à voir l’archiduc. Cependant, s’il reste quelques jours à son retour, il est probable que j’aurai cet honneur là. — J’imagine que vous savez le mariage du général Aston. Qui