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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/268

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CORRESPONDANCE

de vous parler de mon inquiétude et de ma tendresse, je finirais peut-être par vous ennuyer. Aujourd’hui, il doit être arrivé pour moi des lettres à Munich. J’espère les trouver à Vérone où mon oncle doit me les envoyer. Je crois que nous serons à Vérone jeudi ou vendredi au plus tard, et je me flatte que nous n’y resterons pas longtemps. L’évêque a voulu me faire donner ma parole d’honneur que je repasserais à Munich, mais j’aimerais bien à y manquer ; car, de deux choses l’une, ou nous y ferions un nouveau séjour qui, désagréable dans tous les temps, me serait insupportable dès que j’aurai le nez tourné vers l’Angleterre, ou nous y passerions vingt-quatre heures et ce ne serait que donner au bon patriarche le chagrin d’un adieu, et ils sont toujours plus affligeants pour les vieillards. — On m’a donné beaucoup de conseils avant mon départ dont je ne compte suivre aucun : je sais trop bien ce qu’il en coûte ; je les ai reconnus ; ils émanent tout droit de Somerset street. Il me paraît, par vos lettres, que vous voyez souvent madame d’Argout ; est-elle bien pour maman ? Je suis fâchée pour cette pauvre madame D. de la manière dont elle se traîne dans le ruisseau ; la misère et la sottise sont deux mauvais compagnons. Mais quel avantage retire-t-on de cette intimité avec Eugénie ? Vous ne me parlez d’aucune personne rentrant en France. Est-ce que la clique n’ira pas aboyer dans son propre pays ? En quoi les affaires qui engageaient madame de M. à rentrer en France avec monsieur de Las Cases, sont-elles changées, en quoi ? Hélas ! je le sais bien ; elle ne se croyait pas à même de faire autant de mal en Angleterre. Ce qu’on apprend en voyageant, ou même en restant chez soi quand on vit dans le monde, c’est qu’il est peuplé de malheureux. On m’a raconté l’histoire de l’Électrice de Bavière… J’ai cru entendre la mienne.