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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/292

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CORRESPONDANCE

Il faudra cependant qu’elle en prenne son parti, car moi je n’ai pas peur et je me trouverai où elle sera sans la moindre crainte. Avec cela, dans un endroit comme celui-ci, cette situation est désagréable, mais, comme je ne ferai aucune avance, je ne m’exposerai pas à recevoir des impertinences. — Revenons à ma promenade : sur les sands, j’ai rencontré Elisabeth North et ses frères ; après avoir fait quelques tournées, nous avons été nous asseoir dans la library où la duchesse de Devonshire et sa famille sont entrées peu après. La duchesse m’a accostée tout de suite, et, après quelques questions sur la santé de maman, sur mon séjour à Bognor, elle a adressé quelques paroles à miss North, et elle a eu beau se battre les flancs, il était clair à voir qu’elle ne trouvait plus rien à dire, en dépit qu’elle en eût. Cette timidité est une chose bien extraordinaire dans une femme aussi accoutumée à jouer un rôle dans la plus grande société : pendant qu’elle nous parlait, elle n’a pas cessé de rougir. Assurément, il y a du mérite à être poli quand cela coûte autant. — Deux grands yeux qui ne disent pas grand’-chose, un gros nez épaté, des lèvres épaisses et vermeilles, une vilaine coupe de visage, un teint superbe, de jolis cheveux, une charmante tournure et beaucoup de fraîcheur font de lady Georgina Cavendish un ensemble selon moi fort agréable ; elle joint l’air d’une grande douceur à beaucoup de timidité, accompagné d’assez de noblesse. Vous rappelez-vous Caroline, protégée de lady Elisabeth Foster ? Elle s’appelle maintenant mademoiselle de Saint-Jules : faire son portrait ou celui de lady Harriet, seconde fille de la duchesse, c’est la même chose exactement ; au surplus, elles sont aussi désagréablement laides l’une que l’autre. Voilà toutes mes histoires. Maman veut que j’écrive tous les jours ; qu’elle ne se plaigne pas de mon stupide bavardage. — Je n’ai point entendu parler