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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/63

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Peut-être paraîtrai-je suspecte en disant qu’il n’avait point d’ambition, puisqu’il est arrivé au plus haut point de toutes les distinctions sociales, et pourtant rien n’est plus vrai. Il aimait les affaires, il avait la conscience de les bien faire, et, lorsqu’il trouvait l’occasion naturelle d’y entrer, ce n’était pas sans satisfaction ; mais il ne s’est jamais cramponné pour n’en pas sortir, ni agité pour y revenir.

Il a subi l’ostracisme, imposé par l’animosité de la Cour de Charles X, pendant plusieurs années, dans une retraite aussi calme que digne ; et les besoins impérieux de la patrie l’ont seuls décidé à venir en aide au pouvoir de 1830.

Monsieur Pasquier était, selon la meilleure acception du mot, éminemment patriote, et c’est ce sentiment qui a donné une véritable unité à toute sa vie politique, malgré les déclamations de ses détracteurs.

L’attentat de Lecomte eut lieu au printemps de 1846, à Fontainebleau. Un char à bancs, où se trouvait la famille royale, reçut toute la charge d’une carabine tirée par ce garde-chasse.

Alarmée des bruits que j’avais recueillis à ce sujet, j’étais allée aux renseignements et je me trouvais dans l’antichambre de madame Adélaïde au moment où elle arrivait aux Tuileries. Je me rangeais pour la laisser passer, lorsqu’elle m’aperçut. Elle me prit sous le bras, et m’entraîna, sans me dire un mot, jusque dans sa chambre à coucher.

Je l’aidai à se débarrasser des fourrures dont elle était enveloppée, car il faisait très froid, et elle se laissa tomber sur un sopha dans le plus grand abattement. Je l’avais vue peu de jours avant, et je fus effrayée de son changement.

Son teint, toujours très brun, était ordinairement