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Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome V 1923.djvu/79

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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

années ; mais, dès le mois de février 1848, on n’y a plus pensé et personne n’en a parlé sans rire.

C’est ainsi que les machines de guerre, inventées par les chefs de parti et mises entre les mains des masses pour amener les destructions, tombent dans l’oubli dès que leur œuvre est accomplie.

Mais je n’en suis pas moins étonnée qu’on ait pu exalter et ameuter toutes les classes d’une nation, aussi spirituelle que la nôtre, sur une question si puérile et dénuée de toute espèce d’importance.

Le jour même où j’allais m’établir à Châtenay, je m’arrêtai pour dîner au Luxembourg. Pendant le repas, nous entendîmes entrer très rapidement une voiture dans la cour. Un des gens, regardant par la fenêtre, vit le général de Cubières en sortir.

Un instant après, un huissier prévint monsieur le chancelier qu’on lui demandait audience dans son cabinet. Il se leva de table, resta assez longtemps absent et rentra avec l’air très grave. Il n’était pas dans ses habitudes de faire mystère des choses indifférentes, mais son entourage savait qu’il ne fallait pas l’interroger lorsqu’il voulait se taire. Aussi, je partis pour la campagne sans avoir eu l’explication de cette étrange visite.

Dès le lendemain, j’appris par des personnes venues me voir, les très mauvais bruits courant sur monsieur de Cubières. J’ai su, depuis, qu’il était venu demander conseil au chancelier sur la conduite à tenir en sa qualité de pair.

Je n’entrerai pas dans les détails de cette triste affaire. Je connaissais monsieur de Cubières. Il venait très souvent chez moi, surtout pendant le temps où il avait tenu fort honorablement le portefeuille de la guerre. Je le voyais moins depuis quelques mois ; mais je m’y intéressais assez pour être très fâchée de le savoir compromis dans cette circonstance.