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MORT DE MADAME ADÉLAÏDE

pour Praslin d’où elle n’est revenue que pour être tuée par cet abominable mari qu’elle avait la faiblesse d’aimer beaucoup trop, malgré les mauvais procédés dont il avait toujours usé à son égard.

Je me trouvai encore bien plus personnellement intéressée dans une autre aventure qui ne laissa pas aussi d’avoir un fâcheux retentissement dans le public.

Le comte Mortier, alors ministre de France à Turin, avait débuté dans la carrière diplomatique, sous mon père, à l’ambassade de Londres. La tendre vénération qu’il conservait fidèlement à sa mémoire avait cimenté une véritable amitié entre nous. Lui-même se regardait comme enfant de la maison.

Pendant les courts séjours qu’il avait faits à Paris, il passait sa vie chez mon père et, plus tard, chez moi. Il avait été secrétaire d’ambassade à Rome et en Espagne, puis ministre en Portugal, en Prusse, en Hollande, en Suisse, et enfin à Turin.

Il me revenait bien que partout il s’était fait personnellement d’assez mauvaises affaires, mais celles de l’État étaient bien conduites et je croyais ces bruits exagérés par la jalousie des collègues.

Il se maria en 1836, et me présenta une très belle jeune femme, dont il me parut extrêmement épris. Sans me lier beaucoup avec elle, ce qui n’était guère possible vu la différence de nos âges, je la vis très souvent. J’entretenais une correspondance assez active avec Hector Mortier et sa femme y prenait quelquefois part lorsqu’il était trop pressé pour me mander les nouvelles à faire parvenir aux Tuileries ou trop malade pour écrire. La moitié des lettres que je recevais de lui étaient remplies d’adoration et d’admiration pour son angélique compagne, ainsi qu’il la qualifiait.

Ils avaient deux enfants dont l’un et l’autre s’occu-