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Page:Mémoires de la société historique et archéologique du Vexin, tome XVIII, 1896.djvu/123

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que je tiens à remercier. Je dois également exprimer ma vive reconnaissance à votre digne président, mon vieil ami, M. Seré-Depoin, à qui cette période déplorable de notre histoire rappelle de cruels souvenirs, mais qui a la satisfaction d’avoir rempli de terribles devoirs avec le dévouement, le cœur et l’abnégation d’un bon citoyen.

Le ballon, dont j’ai à vous raconter l’histoire, avait reçu le nom du défenseur de Strasbourg, que l’on portait aux nues quelques jours avant de le traîner aux gémonies. Il nous montre un remarquable exemple de l’inconstance proverbiale et le peu de durée des jugements que nous portons sur nos concitoyens.

Le « Général Uhrich » était destiné à transporter des dépêches en réponse aux pigeons apportant la nouvelle de la prise d’Orléans par le général d’Aurelle de Paladines, cet éclair de gloire qui fit renaître l’espérance de la victoire dans tous les cœurs français ! Il portait dans sa nacelle, quatre cages contenant chacune neuf pigeons, choisis dans les colombiers de l’État, et parmi lesquels figuraient des lauréats du concours de Ruffec, ainsi que plusieurs oiseaux déjà revenus à Paris. Les passagers étaient au nombre de trois : M. Thomas, colombophile, et MM. Chapouil et Bienbard, officiers de francs-tireurs, chargés de revenir à Paris à travers les lignes prussiennes, déguisés en paysans, après avoir été à Tours pour recevoir des dépêches du gouvernement.

Pour diriger cette expédition aérienne, dont la réussite était indispensable, car il était nécessaire de relever le moral abattu par l’échec du « Galilée » et du « Daguerre », on avait choisi comme aéronaute, Lemoine, praticien, âgé de 53 ans, qui avait déjà exécuté 70 ascensions dans les hippodromes de Paris, quelques-unes fort intéressantes, car il avait un grand zèle dans l’accomplissement de ses devoirs aérostatiques ; ouvrier mécanicien de son métier, il aimait les ballons et ne se bornait point à terminer ses ascensions dans la zone militaire qui environne Paris.

Lemoine est mort depuis plusieurs années, au moment où l’Association fraternelle des aéronautes du siège avait obtenu son admission dans l’asile de Bicêtre.

Il ne lui a point été donné de jouir de la maigre récompense que nous avons été heureux de solliciter en sa faveur, et dont, j’en suis persuadé, vous reconnaîtrez qu’il était complètement digne lorsque vous aurez entendu la suite du récit que je vais avoir l’honneur de faire devant vous.

Son fils, dont il avait dirigé l’éducation pratique, fait partie des aéronautes du siège ; il a monté, le 3 décembre 1870, le ballon « l’Armée de la Loire » qu’il a conduit heureusement dans les environs du Mans.