Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/110

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ligne, de jouer un rôle politique important. Il comprenait qu’il y parviendrait plus facilement dans les rangs de la Majorité gouvernementale que dans ceux de l’Opposition. Un de ses frères aînés faisait encore le commerce des vins et eaux-de-vie à Pont-de-Bordes, commune de Lavardac. Ses anciens amis de Nérac, restés plus libéraux, le considéraient comme un renégat, et il en gardait rancune à l’arrondissement tout entier

Devenu bientôt, après mon arrivée dans le pays, Conseiller d’État, et, plus tard, Ministre, iI prit tout naturellement, parmi ses collègues de la députation de Lot-et-Garonne, une situation prépondérante, et sur l’administration du département, une influence à laquelle rien ne résistait. On verra plus loin quelles conséquences elle eut à mon égard.

Je parvins dans Nérac, à la nuit, et je reconnus avec plaisir que la ville était éclairée par des lanternes, et assez bien même, ce qui lui constituait une supériorité notable sur Yssingeaux.

Mon voiturin me conduisit au principal hôtel, celui que tenait le sieur Tertre, le fabricant traditionnel des fameuses terrines de foies de canards et de perdreaux truffés. Ce vénérable disciple de Comus me reçut en costume blanc de chef de cuisine, et je fus conduit dans la belle chambre de la maison par son épouse, notablement plus jeune que lui, forte brune, qui ne se contentait pas de porter des moustaches : ses deux joues étaient ornées de véritables favoris. Je voyais, pour la première fois, à une femme, ces attributs virils, peu attrayants. Inutile de dire qu’on me servit un dîner des plus recherchés.