Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/137

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M. Dugué, qui n’était pas sans valeur administrative, fut Préfet de la Manche, sous l’Empire, et prit sa retraite en cette qualité. Il avait épousé, sur le tard, Mlle Mac-Carthy, de Bordeaux.

Mon collègue de Villeneuve-sur-Lot, M. de Reignac, ne venait pas souvent à Agen. Il n’avait pas, comme celui de Marmande, un service quotidien de bateaux à vapeur, pour lui faciliter ses voyages au chef-lieu, et les affranchir de toute fatigue. Bien moins jeune que moi, sept lieues de cheval ou de voiture pour aller, et autant pour revenir, le forçaient à réfléchir davantage. Il dirigeait, d’ailleurs, un arrondissement peu maniable, où le parti légitimiste, qui ne pouvait pardonner à ce gentillâtre de servir le Roi Louis-Philippe, lui faisait une opposition personnelle.

Dans une des très rares occasions où je le rencontrai chez le Préfet, il me raconta, pour me donner une idée de l’attitude des hobereaux du pays à son égard, qu’un de ces Messieurs, venant dans son cabinet, lui porter, d’un ton altier, je ne sais plus quelle plainte, s’était assis, le chapeau sur la tête, ainsi qu’un paysan ; et que lui, Sous-Préfet, après un geste signifiant : « Veuillez attendre une minute », avait dû, pour ne pas relever cette grossièreté comme elle le méritait, sonner son domestique ; lui dire : « Apportez-moi mon chapeau ! » et puis, s’étant coiffé, se tourner vers son interlocuteur, en ajoutant : « Je puis maintenant vous écouter. »

Ma bonne intelligence avec le Préfet fut troublée par un incident très passager, mais très désagréable pour lui.

M. le marquis de Lusignan, mon Député, profitant d’une révolution ministérielle, qui fit pâlir, un mo-