Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/149

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devait pas franchir le seuil du domicile de son époux : il lui fallut attendre en deçà.

Le baron Dudevant tenait l’enfant par la main. Il dit en la remettant à la mère : — « Madame, je dois céder à la violence qui m’est faite ! » — « Monsieur, » interrompit-elle, « je n’ai jamais refusé de vous laisser voir votre fille ; mais vous avez voulu me la ravir, et j’ai dû régler ma conduite d’après la vôtre. » — Je m’avançai pour dire au baron : — « Monsieur, je suis ici, conformément à des instructions reçues directement de M. le Ministre de l’intérieur, ce matin même, pour m’assurer de l’accomplissement régulier, qui vient d’avoir lieu, d’une décision de Justice. Je vous demande la permission d’arrêter un débat aussi pénible qu’inutile. »

Au retour, à peine en voiture, Solange, me montrant du doigt à sa mère, demanda : — « Qu’est-ce que celui-là ? » Puis, elle se prit à me tutoyer !

Pour faire honneur aux recommandations de ma sœur, je mis à la disposition de Mme Sand et de sa suite les meilleurs logements dont je pusse disposer dans ma Sous-Préfecture. Elle y demeura deux jours à se remettre de ses émotions, et revit, à ma table et dans mon salon, les personnes de Nérac qu’elle avait connues et qui, désireuses de saluer sa gloire littéraire, se montrèrent empressées auprès d’elle.

Bien reposée, elle conçut l’idée de faire une pointe sur les Pyrénées, que son avoué ne connaissait pas.

En revenant de cette excursion, elle s’arrêta deux autres jours chez moi ; ensuite, je la conduisis à Agen, où je dus la présenter à mon Préfet, désireux de la voir, et elle reprit la route de Paris.