Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/168

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rue Neuve-Saint-Augustin, aujourd’hui, rue Daunou. — J’étais connu de M. Thiers depuis 1830. Il m’avait vu dans les bureaux du National, le 26 juillet, avant la Révolution, et le 29 au soir, chez M. Lafitte ; puis, en 1832, au Ministère de l’Intérieur, quand il y remplaçait Casimir Périer, à mon retour d’Yssingeaux. J’en reçus bon accueil. Il me loua de la netteté de ma conduite dans l’élection de Nérac, sujet de quelque rumeur, quand on l’apprit à la Chambre des Députés.

Ensuite, j’allai voir M. Pagès (de l’Ariège), Député de Saint-Girons : un vieux libéral ; jadis, intime ami de Benjamin Constant, et collaborateur, à l’ancien Courrier Français, de mon beau-frère, M. Artaud, qui m’accompagna chez lui.

C’était un type curieux de Méridional, devenu Parisien depuis longtemps ; sceptique, à peu près en toutes choses ; fin comme ambre, sous une apparence de rondeur aimable ; fort accommodant, au fond, malgré son opposition farouche « au Pouvoir », et ménageant la chèvre et le chou, pour conserver son siège à la Chambre, auquel il devait son importance, beaucoup plus qu’à ses écrits, un peu démodés. Il faisait, tous les ans, un grand discours contre « le Ministère », quel qu’il fût, à l’occasion de l’adresse ou du budget, et votait peut-être pour lui dans les grandes occasions ; car, les scrutins étaient alors absolument secrets. En me parlant de ce discours annuel, il me dit : — « C’est pour mes gens de là-bas ! — Je n’eus, d’ailleurs, qu’à me louer de sa réception et de nos rapports. Il me promit de m’annoncer à ses amis (ses gens de là-bas !) de manière à m’épargner toute hostilité de leur part, et me donna même beaucoup d’indications utiles.