Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/270

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peu de prosélytes au dehors, et la propagande socialiste, très active, faite parmi les habitants des campagnes, obtenait un succès encore plus médiocre.

On eût sûrement trouvé pas mal de gens disposés à prendre une part du bien d’autrui ; mais aucun propriétaire, si petit qu’il fût, ne voulait entendre à mettre le sien dans la communauté. De même pour l’Organisation du Travail : tant qu’il était question d’une attribution à recevoir dans le produit du labeur de tous, on rencontrait des auditeurs ; mais, dès qu’il s’agissait, pour mériter cette attribution, de remplir une tâche déterminée, il ne restait plus personne.

Dans un chef-lieu de canton, Audenge, riverain du bassin d’Arcachon, le Juge de Paix, très bien pensant, avait imaginé de fonder un club, dans lequel il dirigeait des causeries politiques familières. Il lisait à ses auditeurs, avec des commentaires critiques, les résumés des conférences de Louis Blanc, au Luxembourg.

Il fut question, dans la séance à laquelle j’assistai, de la Liberté de l’Industrie, et quand on me pria de prendre la parole, je traitai, d’abord, de l’Esclavage des Noirs, mieux nourris, mieux logés, mieux soignés, plus heureux matériellement, en somme, sur les habitations et plantations de leurs maîtres, qu’ils ne l’auraient été, pour sûr, dans leurs pays d’origine, et qui, cependant, n’avaient d’autre pensée que de reconquérir leur liberté perdue. Puis, passant de cette question à celle de l’Organisation du Travail, je demandai comment il pouvait se faire que les mêmes hommes qui s’élevaient, avec raison, contre l’odieux trafic des nègres, songeassent, chez nous, à réduire les blancs en servage, par l’application du socialisme, la négation