Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/286

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modestie en bas, pour donner le change sur le rôle occulte que je remplissais en haut. J’acceptai donc le grade de Capitaine, dans une autre compagnie, lors de la réélection générale des officiers.

La 3e était de service au Palais-Municipal, et je me reposais sous les grands arbres du jardin, quand un groupe formé de gardes nationaux de la 6e, vint me saluer, croyant reconnaître, en moi, le gendre de M. de Laharpe. Sur ma réponse affirmative, ils me dirent qu’appartenant au quartier de la Croix-de-Seguey, ils me voyaient souvent aller à notre campagne du Bouscat. Un de mes interlocuteurs, ancien sous-officier de l’armée, ajouta : — « C’est bien la croix d’Officier de la Légion d’Honneur que vous portez ?… Excusez, Monsieur, cette question que nous nous faisions de loin. » — « Oui, » répondis-je, « c’est la croix d’or : je l’ai reçue, comme Sous-Préfet de BIaye, après plus de neuf années du grade de Chevalier. » — « Â votre âge, c’est bien gentil de votre part, » conclut-il.

Je dois l’avouer : si j’avais beaucoup plus, je n’accusais guère que trente ans.

Ma décoration de Juillet, aussi, paraissait charmer ces patriotes. En effet, sauf légitimistes, ils étaient tout, voire napoléoniens.

Quelques jours après, ils revinrent me proposer de remplacer leur Capitaine en Premier, démissionnaire, en se déclarant autorisés à me promettre toutes les voix de leur compagnie. Je fus, en effet, élu chef de la 6e du 2e de la 2e légion, à l’unanimité.

Cette compagnie, exceptionnellement nombreuse, était, presque en entier, composée de gens du peuple. Beaucoup avaient fait un congé de sept ans au service