Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/298

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sur certains esprits, par la possession du Pouvoir, je n’espérais pas cette majorité des trois quarts. Elle surprit sans doute le Prince lui-même, si confiant qu’il fût dans son étoile.

Quand je rapproche de cette première victoire, les 7,439,216 suffrages sur 8,080,053, qui, ratifiant le coup d’État du 2 Décembre 1851, lui déléguèrent le droit appartenant au Peuple, au vrai Souverain, de donner une Constitution à la France ; quand je me rappelle cette entrée splendide à Bordeaux, en octobre 1852, au terme du voyage triomphal où fut fait l’Empire, consacré quelques mois après par un nouveau Plébiscite réunissant 7,824,489 suffrages sur 8,077,334, je me figure que l’Empereur Napoléon, dès avant son avènement au trône avait épuisé toutes les jouissances personnelles dont l’exercice du Pouvoir Suprême peut être la source et les satisfactions d’une immense, d’une incomparable popularité !

Mais, son âme nourrissait des ambitions plus hautes : — celle des grandes choses, des œuvres utiles, durables, qui marquent dans la mémoire des peuples, dans l’histoire des pays civilisés ; — celle du bien-être général, assuré par la liberté du travail, du commerce et de l’industrie dans le monde entier ; — celle d’une France puissante et prospère entre toutes les nations, par les travaux fructueux de la Paix !

Car, cet héritier du plus grand capitaine des temps modernes rêvait d’être Napoléon le Pacifique !…

Dans ses impénétrables desseins, Dieu ne l’a pas permis.