Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/33

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nant la position du soldat sans arme, je fis le salut militaire, en criant : « Vive l’Empereur ! » Le Souverain, surpris, s’arrêta, demandant avec sévérité : « Quel est cet enfant, Général ? » — « Sire, c’est mon petit-fils, un futur soldat du Roi de Rome. Il attend, avec moi, d’être reçu par le Vice-Roi d’Italie, son parrain. » — L’Empereur, se déridant alors, dit : — « Ah ! bien. » Puis, il me regarda fixement quelques secondes, pendant que je me tenais droit, les yeux attachés sur lui ; la main droite vissée à mon shako ; la gauche, à la couture de ma culotte ; car, j’étais en costume de hussard du régiment de mon oncle (le 6e), et mon grand-père, en uniforme, bien entendu : — « Comment ! » reprit-il, « tu veux déjà, mon petit homme, entrer dans l’armée ? » — « Je veux, d’abord, entrer dans les pages de l’Empereur ! » répondis-je, sans me douter de mon audace : je répétais ce que j’avais entendu bien souvent de mon grand-père lui-même, qui restait là, suffoqué. Sa Majesté sourit, et, me prenant le menton, daigna me dire : « Tu n’as pas choisi la plus mauvaise porte. Eh bien ! soit, mon garçon, dépêche-toi de grandir et de savoir monter à cheval, pour prendre ton service. » — « Vive l’Empereur ! » répétai-je, comme il reprenait sa promenade. Mon grand-père, tout à fait revenu de sa souleur, conta la chose au Prince Eugène, qu’elle amusa : — « C’est parfait, » répondit son Altesse Impériale ; « je vois avec plaisir que mon filleul ne s’embrouillera pas dans les feux de file ! »

Depuis ce jour mémorable, je jouais au soldat plus que jamais, et je commençais à chevaucher dans mes récréations, quand nos désastres militaires, commencés en Russie, que paraissaient avoir réparés les victoires