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Page:Mémoires du Baron Haussmann, tome 1.djvu/35

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me battre aussi. De nos jours, on parle de revanche ; ceux de mon âge en auraient deux à prendre !

Un engagement de cavalerie avait eu lieu, presque dans Versailles, devant l’Hermitage, aux champs de Glatigny ; dans la ville même, on s’était battu jusqu’à la rue des Réservoirs. Des combats d’avant-garde se livraient dans les bois au-dessus de nos propriétés de Chaville, qui bientôt furent occupées, comme ambulances, par les troupes étrangères marchant sur Paris. Je vois encore mon grand-père Haussmann, Maire de cette commune, astreint, pour en éviter le pillage, à faire droit en silence aux réquisitions des chefs ; ma grand’mère et ses femmes, obligées de panser les blessures d’officiers bavarois !

Une nuée de Cosaques s’abattit sur Viroflay, Chaville et Sèvres, pour s’y cantonner. J’ai donc pu contempler de près ces étranges cavaliers, juchés sur leurs montures à tous crins, comme eux-mêmes, avec leurs lances qui n’en finissaient pas et leur tenue inculte, pour ne pas dire dégoûtante. J’ai su, plus tard, que ma pauvre petite bonne, Jeannette, qui n’avait guère plus de quinze ans, les vit de plus près encore, ainsi que bien d’autres filles et femmes du pays, victimes de l’odieuse brutalité de ces barbares.

Quelque temps après la capitulation de Paris, j’y fus conduit pour voir ma mère, que ma sœur avait rejointe, et j’eus l’occasion d’assister, un soir, à la prière d’un bataillon de la Garde Impériale Russe, de service dans la cour de l’Élysée, où résidait le Czar Alexandre Ier. Il ne fallait rien de moins que ce spectacle imposant pour relever son armée dans mon estime.