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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/194

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

malade ; son frère le soutenait ; ils gagnèrent ainsi une petite ville du Wurtemberg, et ils entrèrent dans un mauvais cabaret, où ils trouvèrent un cabinet et un lit. Au point du jour, ils virent les Autrichiens s’éloigner et apprirent que les Français allaient occuper la ville. La Coste, incapable de se mouvoir, engageait de l’Isle à pourvoir à sa sûreté, en le laissant à la garde de Dieu ; mais de l’Isle déclara formellement qu’il n’abandonnerait pas son frère mourant. Cependant, deux volontaires français se présentèrent bientôt au cabaret avec un billet de logement. L’hôte les conduisit au cabinet occupé par mes oncles, auxquels il signifia qu’ils eussent à s’éloigner. On a dit avec raison que, pendant la Révolution, l’honneur français s’était réfugié dans les armées. Les deux soldats, voyant la Coste mourant, déclarèrent à l’aubergiste que non seulement ils voulaient le garder avec eux, mais qu’ils demandaient au premier étage une grande chambre à plusieurs lits, où ils s’établirent avec mes deux oncles. En pays ennemi, le vainqueur étant le maître, l’aubergiste obéit aux deux volontaires français, qui, pendant quinze jours que leur bataillon resta cantonné dans la ville, eurent un soin infini de MM. de la Coste et de l’Isle ; ils les faisaient participer aux bons repas que leur hôte était obligé de fournir, selon les usages de la guerre, et ce régime confortable, joint au repos, rétablit un peu la santé de la Coste.

En se séparant d’eux, les volontaires, qui appartenaient à un bataillon de la Gironde, voulant donner à leurs nouveaux amis le moyen de passer au milieu des colonnes françaises sans être arrêtés, ôtèrent de leurs uniformes les boutons de métal qui portaient le nom de leur bataillon, et les attachèrent aux habits bourgeois de mes oncles, qui purent ainsi se faire passer pour des cantiniers. Avec ce passeport d’un nouveau genre, ils