l’esprit et une gaieté fort originale. Il se présenta chez Augereau avec un petit violon sous le bras, et lui dit que, n’ayant pas de quoi donner à dîner à ses huit enfants, il allait leur faire danser des contredanses pour les égayer, à moins que le maréchal ne voulût bien le mettre à même de leur servir une nourriture plus substantielle. Augereau reconnut Belair, l’invita à dîner, lui donna de l’argent, lui fit avoir peu de jours après un très bon emploi dans l’administration des messageries, et fit placer deux de ses fils dans un lycée. Cette conduite n’a pas besoin de commentaires.
Tous les duels qu’eut Augereau ne se terminèrent pas ainsi. Par suite d’un usage des plus absurdes, il existait entre divers régiments des haines invétérées, dont la cause, fort ancienne, n’était souvent pas bien connue, mais qui, transmise d'âge en âge, donnait lieu à des duels, chaque fois que ces corps se rencontraient. Ainsi, les gendarmes de Lunéville et les carabiniers étaient en guerre depuis plus d’un demi-siècle, bien qu’ils ne se fussent pas vus dans ce long espace de temps. Enfin, au commencement du règne de Louis XVI, ces deux corps furent appelés au camp de Compiègne ; alors, pour ne point paraître moins braves que leurs devanciers, les carabiniers et les gendarmes résolurent de se battre, et cette habitude était tellement invétérée que les chefs crurent devoir fermer les yeux. Cependant, pour éviter la trop grande effusion du sang, ils parvinrent à faire régler qu’il n’y aurait qu’un seul duel, chacun des deux corps devant désigner le combattant qui le représenterait, après quoi, on ferait une trêve. L’amour-propre des deux partis étant engagé à ce que le champion présenté fût victorieux, les carabiniers choisirent leurs douze meilleurs tireurs, parmi lesquels se trouvait Augereau, et l’on convint que le sort désignerait celui auquel la défense de