sort ; mais la réponse de l’Empereur me piquant au jeu, il me parut qu’il serait ridicule à moi d’avoir donné un avis que je n’oserais mettre à exécution. Je saute donc à bas de mon cheval, me mets tout nu, et me lance dans l’étang… J’avais beaucoup couru dans la journée et avais eu chaud ; le froid me saisit donc fortement… Mais jeune, vigoureux, très bon nageur et encouragé par la présence de l’Empereur, je me dirigeai vers le sous-officier russe, lorsque mon exemple, et probablement les éloges que l’Empereur me donnait, déterminèrent un lieutenant d’artillerie, nommé Roumestain, à m’imiter.
Pendant qu’il se déshabillait, j’avançais toujours, mais j’éprouvais beaucoup plus de difficultés que je ne l’avais prévu, car, par suite de la catastrophe qui s’était produite la veille sur l’étang, l’ancienne et forte glace avait presque entièrement disparu, mais il s’en était formé une nouvelle de l’épaisseur de quelques lignes, dont les aspérités fort pointues m’égratignaient la peau des bras, de la poitrine, et du cou, d’une façon très désagréable. L’officier d’artillerie, qui m’avait rejoint au milieu du trajet, ne s’en était point aperçu, parce qu’il avait profité de l’espèce de sentier que j’avais tracé dans la nouvelle glace. Il eut la loyauté de me le faire observer en demandant à passer à son tour le premier, ce que j’acceptai, car j’étais déchiré cruellement. Nous atteignîmes enfin l’ancien et énorme glaçon sur lequel gisait le malheureux sous-officier russe, et nous crûmes avoir accompli la plus pénible partie de notre entreprise. Nous étions dans une bien grande erreur ; car dès qu’en poussant le glaçon nous le fîmes avancer, la couche de nouvelle glace qui couvrait la superficie de l’eau, étant brisée par son contact, s’amoncelait devant le gros glaçon, de sorte qu’il se