Aller au contenu

Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

je ressentis les bons effets après la mort de ma mère.

Quant au lieutenant Lannes, c’était un jeune Gascon des plus vifs, spirituel, très gai, sans éducation ni instruction, mais désireux d’apprendre, à une époque où personne ne l’était. Il devint très bon instructeur, et comme il était fort vaniteux, il recevait avec un bonheur indicible les louanges que mon père lui prodiguait parce qu’il les méritait. Aussi, par reconnaissance, Lannes gâtait-il autant qu’il le pouvait les enfants de son général.

Un beau matin, mon père reçoit l’ordre de lever le camp du Miral et de conduire sa division au corps d’armée du général Dugommier, qui faisait en ce moment le siège de Toulon, dont les Anglais s’étaient emparés par surprise. Alors, mon père me déclara que ce n’était pas dans une pension de demoiselles que je pouvais apprendre ce que je devais savoir ; qu’il me fallait des études plus sérieuses, et qu’en conséquence il me mènerait le lendemain au collège militaire de Sorèze, où il avait déjà retenu ma place et celle de mon frère. Je restai confondu !… Ne plus retourner auprès de mes amies, avec les dames Mongalvi, cela me paraissait impossible !

Les routes étaient couvertes de troupes et de canons que mon père passa en revue à Castelnaudary. Ce spectacle, qui m’eût charmé quelques jours auparavant, ne put adoucir ma douleur, car je pensais constamment aux professeurs en présence desquels j’allais me trouver.

Nous couchâmes à Castelnaudary, où mon père apprit l’évacuation de Toulon par les Anglais (18 décembre 1793) et reçut l’ordre de se rendre avec sa division aux Pyrénées-Orientales. Il résolut donc de nous déposer le lendemain même à Sorèze, de n’y rester que quelques heures, et de se rendre promptement à Perpignan.

En sortant de Castelnaudary, mon père avait fait arrêter sa voiture devant l’arbre remarquable sous