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mémoires du maréchal joffre

de la voie ferrée Salonique-Uskub serait insuffisant pour le ravitaillement d'une armée nombreuse. Les Serbes ont la plus grande peine à ravitailler les 100 000 hommes dont ils disposent. Que serait-ce si à ces 100 000 Serbes, s'ajoutaient 300 000 Français ?

Ces objections s'appliquent avec plus de force à un débarquement dans l'Adriatique, d'où l'amiral de Lapeyrère vient de retirer ses escadres qu'il n'y trouvait pas en sûreté.

A la suite de mes observations le projet fût écarté. Il devait reparaître quelques semaines plus tard, sous la forme de la malheureuse expédition des Dardanelles.

A la fin de décembre 1914, je suggérai au ministre de la Guerre d'entamer des pourparlers avec le Japon en vue de l'envoi de forces nippones sur le théâtre occidental de la guerre. Ce projet, transmis par M. Millerand à M. Delcassé, ne reçut d'abord point de réponse.

Au début de mars 1915, je reçus du ministre de la Guerre copie d'une lettre que lui avait adressée le ministre des Affaires étrangères[1]. Dans cette lettre, M. Delcassé faisait connaître que des pourparlers avaient été engagés avec Tokio, dès le début de la guerre. Tout de suite on s'était heurté au sentiment populaire japonais qui répugnait à voir son armée, "issue du service obligatoire, destinée à défendre le sol national", s'en aller servir au loin en qualité de mercenaire, et pour des intérêts étrangers.

Plus tard, le gouvernement japonais avait objecté à ce projet des difficultés de transport. Plus tard encore, un fait nouveau se produisit, qui nous dévoila la cause profonde du refus du Japon à une intervention militaire en Europe. Le gouvernement de Tokio qui, sous le couvert de l'alliance anglo-japonaise, avait procédé comme je viens de le dire à la prise de possession de la colonie allemande de Tsing-Tao, adressa à la Chine une série de demandes[2]

  1. La lettre de M. Delcassé est datée du 6 mars 1915.
  2. C'est le 18 janvier 1915 que le ministre du Japon à Pékin, M. Hioki, remit au président Yuan-Chin-K'ai les fameuses "Vingt et une demandes", qui sont encore d'actualité aujourd'hui.