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Ainsi donc, le gros des forces ennemies nous paraissait concentré derrière la "position de la Moselle" ; cette masse pouvait aussi bien déboucher vers l’ouest que converser vers le sud en s’appuyant sur la place de Metz. Quand à l’armée de la Meuse qui nous semblait avoir atteint sa composition normale, elle paraissait destinée à prolonger le mouvement de la masse principale soit vers l'ouest, soit dans son mouvement de rabattement vers le sud. Enfin l'attaque de Liége pouvait n'être qu'une garantie prise vis-à-vis de l'armée belge, en visant seulement la conquête de cette importante tête de pont.

Ce n'étaient là que de simples hypothèses ; il était encore trop tôt pour étayer sur elles un plan de manœuvre. Désireux de n'arrêter mes décisions qu'en prenant pour base des faits bien établis, j'étais amené à réserver mes ordres en ce qui concernait l'emploi de nos armées de gauche destinées à l'action principale.

Tout autre était la situation en Lorraine et en Alsace : nos troupes y étaient au contact ; mon intention étant d'appuyer au Rhin la droite de mon dispositif, il y avait intérêt à rejeter les forces allemandes d'Alsace sur Strasbourg, de façon à obtenir une économie de troupes par un raccourcissement de notre front. En Lorraine, il y avait intérêt à fixer l'adversaire et à mettre Nancy à l'abri, pendant que s'éxécutait la mise en défense du Grand Couronné ; l'attaque prévue contre les forces ennemies de cette région pourrait obtenir ce résultat en même temps qu'elle contribuerait à décongestionner le front belge, ou tout au moins à empêcher un glissement des réserves allemandes vers le nord. Mais il était certain, en raison du danger que constituaient à droite et à gauche les positions de Metz et de Strasbourg, que cette attaque ne pourrait pas rechercher un but lointain.

Or, les forces de nos 1re et 2e armées s'élevant à 10 corps d'armée semblaient largement suffisantes pourêtre opposées aux 6 corps d'armées allemands repérés dans cette région ; il était donc possible, comme je l'avais indiqué au général de Castelnau lors de la réunion des commandants