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Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/67

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mémoires du maréchal joffre

changement de ministère, qui amena un nouveau retard. La question fut cependant reprise par le nouveau ministre de la Guerre, M. Noulens, qui obtint fin décembre de son collègue des Finances l'acceptation d'un programme d'accélération de 1 408 741 571 francs. Ce programme figura dans le projet de loi déposé le 16 janvier 1914 ; il comprenait : 754 000 000 francs à engager hors budget et 416 450 571 francs à comprendre dans les annuités budgétaires au titre de la 3e section.

Les élections du 26 avril 1914 retardèrent la discussion de ce projet, qui ne fut voté par le Sénat qu'à la veille de la guerre dans les fameuses séances où M. Charles Humbert, rapporteur de la Commission de l'armée, fit à la tribune des révélations sur notre situation militaire qui émurent profondément l'opinion. Il est probable que ces révélations eurent leur écho outre-Rhin et contribuèrent à hâter la décision allemande de nous déclarer la guerre. A la suite de ces révélations, M. Clemenceau montait à la tribune et s'écriait : "Depuis 1870, je n'ai pas assisté à une séance du Parlement aussi émouvante ni aussi douloureuse."

Cette fois, le pays s'éveilla tout entier. Il s'apercevait brusquement du degré d'impréparation dans lequel l'avait plongé une longue période d'utopies pacifistes. Mais, s'il pouvait mesurer l'effort à faire, il était, hélas, trop tard pour l'accomplir.

Telle fut la longue et douloureuse histoire des budgets d'avant-guerre. J'ai montré dans le cours de ce récit qu'une des causes essentielles de désordre dans l'établissement de nos budgets militaires provenait de l'indépendance des différentes directions. M. Messimy l'avait senti lorsque, dès décembre 1911, il me fit assister aux réunions des directeurs destinées à l'établissement de nos besoins. M. Étienne le comprit également lorsqu'en octobre 1913 il me chargea de présider les conférences qui aboutirent à la fusion des deux programmes de 420 millions et de 504 500 000 francs.

Une autre cause de notre impuissance à aboutir résidait