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Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/80

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mémoires du maréchal joffre

n'était pas résolue. Sans doute, la plaquette Malandrin était une très ingénieuse solution ; mais son principal inconvénient était, comme je viens de le dire, de diminuer la portée des pièces. C'est d'ailleurs ce que le général Ruffey, alors commandant du 13e corps d'armée, écrivait dans une note d'octobre 1913 : "l'artillerie française s'admire dans son 75. Les Allemands nous attaqueront avec des obusiers de 10,5 et de 15 ; ils ont des échelles montant à 16 mètres : nous ne leur opposons que des obus inférieurs ; nous comptons, il est vrai, sur les aéroplanes qui allongent considérablement la durée du réglage et sur le téléphone ; nous n'avons que de mauvaises lunettes, des rossignols. Conclusion : la supériorité adverse sera écrasante."

Décidé à ne pas abandonner la partie, je revins une fois de plus à la charge, et j'obtins en février 1914, de M. Noulens, le nouveau ministre, que la direction de l'artillerie serait invitée à faire aboutir dans le plus bref délai les études relatives au perfectionnement des projectiles de 75, permettant en particulier de tirer au delà de 6 000 mètres ; et j'appelai une fois encore l'attention du ministre sur la nécessité reconnue d'un canon court de campagne. Le 26 du même mois, une nouvelle note invita la direction de l'artillerie à pousser l'étendue d'un obusier de 120 d'une portée au moins égale à celle de l'obusier de 15 allemand. Nos efforts ne furent pas absolument vains, puisque des expériences purent avoir lieu sur ces données à la fin de juillet 1914. Ces résultats venaient malheureusement trop tard, et la guerre éclata sans que nous ayons d'obusier de campagne.

La lutte que j'avais entreprise en faveur du matériel ne m'avait pas fait perdre de vue l'organisation générale de notre artillerie lourde. On a vu qu'un premier régiment lourd avait pu être constitué à Rueil. Il n'avait pas été possible d'en faire davantage, à ce moment, en raison du manque de personnel disponible. Mais, lorsque la loi de trois ans fut mise à l'étude en 1913, je fis introduire dans les projets pour l'utilisation des effectifs supplémentaires donnés par la loi, la création de quinze batteries nouvelles ;