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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/110

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qu’elle avançait dans son sujet, elle s’animait ; et l’accompagnateur, qui la suivait toujours, hâtait la mesure. Ses yeux devenaient brillans, son visage se colorait, elle s’embellissait beaucoup. En continuant quelque temps, lorsque son sujet était assez abondant pour lui fournir une carrière un peu étendue, elle produisait et débitait les dernières stances avec une extrême rapidité, et aussi vite qu’on pourrait prononcer des vers qu’on saurait très-bien par cœur. Alors le feu lui sortait des yeux, sa gorge avait un mouvement élevé et rapide. C’était une vraie pythonisse, et je dois dire en même temps qu’elle ne se défigurait point, et que sa physionomie, en s’altérant ainsi, avait un caractère plein de force et d’agrément.

Elle déclamait un quart-d’heure entier, souvent davantage, et jusqu’à une demi-heure de suite. Il est bien naturel de demander si cette improvisation était élégante et correcte. Au temps dont je parle, quoique déjà un peu familiarisé avec la langue italienne, je ne l’entendais pas assez pour avoir un avis. Ce que je puis dire, c’est que je remarquais des stances très-agréables et remplies de traits piquans et spirituels, d’autres, d’un ton grave et noble, et qu’en tout, c’était un spectacle des yeux et un plaisir de l’esprit très-vifs l’un et l’autre, que de voir et d’entendre la Corilla.

Je serais ridicule de faire entrer, dans le récit rapide que je fais ici, des descriptions des grands monumens et des chefs-d’œuvre des arts que je vis