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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/118

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cle ; mais en baisant les pieds du saint père après son exaltation, je ne m’avisai pas de lui dire qu’il était le successeur de Janus, et Rome moderne est aussi tolérante que l’ancienne.

Ce Boullanger était un homme de beaucoup d’esprit et d’un esprit original. Employé dans les ponts et chaussées dès l’âge de vingt-trois ans, il avait dirigé plusieurs fouilles en Champagne, en Lorraine et en Bourgogne ; ses travaux lui avaient suggéré différentes observations sur l’organisation du globe ; et puis, il s’était fait une théorie de la terre et des divers changemens qu’elle paraît avoir éprouvés ; et pour chercher dans l’histoire les preuves de ses systèmes, il s’était mis à apprendre le latin, le grec, et enfin les langues orientales. Ensuite, employant cette érudition nouvelle à l’appui de ses doctrines, il trouvait tout dans les mots, dans leur décomposition, et dans les analogies d’une langue à l’autre. Il crut voir que les dogmes et les rites religieux de tous les peuples prenaient leur origine dans les impressions qu’avaient laissées les grands bouleversemens du monde physique, et n’en étaient que des commémorations. À cette idée, qui a quelque chose de vrai et de grand, il attachait tout, il subordonnait tout ; il ne lisait, ne voyait, n’entendait rien qu’il n’y rapportât, ce qui lui suggérait sans cesse des interprétations ingénieuses, des vues profondes, d’heureuses applications, en même temps