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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/80

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Je recueillais leurs paroles, mais non pas avec la docilité d’un novice envers ses supérieurs. Je discutais leurs opinions, et ils ne dédaignaient pas les miennes. Je n’avais avec eux aucune conversation d’où je ne rapportasse une nouvelle ardeur de savoir.

Mon élève ayant achevé sa philosophie en 1754, je l’accompagnai au séminaire Saint-Magloire, pour qu’il fit sa théologie. Nous nous y retrouvâmes avec l’abbé de Rohan, fidèle à ses grands airs, qu’il ne savait pas même soutenir, à sa dissipation, à sa légèreté, et qui aurait gâté mon abbé de la Galaizière, sans le fonds excellent de réserve et de raison qui le défendait contre lui.

Ma vie continua d’être fort douce. Un joli logement sur le jardin du séminaire ; des livres qui déjà formaient une petite collection ; la liberté, dont je n’abusais pas, de sortir dans les instans où mon élève assistait aux conférences, aux offices, et allait aux écoles de Sorbonne ; tout cela me convenait beaucoup. Je dois avouer aussi que, cette situation libre et commode me laissant absolument le choix de mes occupations, je laissais divaguer mon esprit à trop d’objets divers, tandis qu’en le portant sur un seul j’aurais pu mieux faire, si tant est que j’eusse réussi jamais à le fixer.

Je commençai cependant, dès-lors, à tourner mes réflexions vers les objets de l’économie publique et du gouvernement, conduit dans cette route par le goût qui y portait, de leur côté, M. Turgot