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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 1 1882.djvu/88

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surtout en province et jusque dans la capitale, par des visites domiciliaires ; on dépouillait les femmes à l’entrée des villes ; on envoyait nombre d’hommes aux galères, pour une pièce de toile : enfin, toutes les tyrannies financières et commerçantes étaient employées pour empêcher ce genre d’industrie de s’établir, et le peuple français de s’habiller et de se meubler à bon marché. Les débitans et les fabricans de toutes les villes du royaume maintenaient la nécessité absolue de la prohibition, pour défendre chacun leur commerce particulier. Cependant, les inconvéniens se faisaient vivement sentir. On porta la question au conseil : M. Trudaine, le grand-père, me chargea de la traiter contradictoirement avec les marchands et fabricans, et les chambres de commerce du royaume, qui avaient presque toutes voté contre la liberté. En mars 1758, je publiai un ouvrage intitulé Réflexions sur les avantages de la libre fabrication et de l’usage des toiles peintes en France. Un arrêt du conseil, qui établit cette liberté sans qu’elle ait jamais été violée depuis, fut en grande partie le fruit de mon travail. J’eus pour adversaire dans cette question, le sieur Moreau, ennemi de toute sorte de liberté ; depuis, auteur des Cacouacs, plaisanterie assez plate où il décrie les philosophes comme gens de sac et de corde, et d’un livre sur le gouvernement français, où toutes les maximes du despotisme sont applaudies et consacrées pour l’instruction des