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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 2 1882.djvu/25

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qui frappa mes yeux vers le milieu de messidor, le 5 juillet 1794. Je traversais les Champs-Élysées, lorsque je vis amener de Neuilly et des villages voisins environ cent cinquante de ces nobles chassés de Paris par le décret du 17 germinal, hommes, femmes, vieillards, dans sept chariots découverts et quatre charrettes, plusieurs les mains liées, à midi, par un soleil brûlant. Quelques-unes des femmes ayant de petits parasols, des femmes du peuple disaient brutalement : Tiens, tiens, les b…, elles ont encore leurs parasols de l’ancien régime.

Le prétexte de cette nouvelle violence était que ces nobles, ou aristocrates, avaient tenté de soulever un camp formé dans la plaine des Sablons, en y jetant, disait-on, des billets où l’on exhortait les soldats à la révolte contre la Convention. Rien de plus absurde qu’un tel prétexte. Il est trop clair que cent cinquante personnes de tout âge et de tout sexe, et dont la plupart étaient des enfans et des femmes, ne pouvaient avoir formé un plan de conspiration, quel qu’il fût, et encore moins celui qu’on leur prêtait et qui était si ridicule dans ses moyens. Ils ne pouvaient donc être arrêtés ainsi collectivement que par suite du projet, bien connu depuis, de faire périr tous les nobles, comme ennemis irréconciliables de la révolution ; projet sanguinaire qui était manifestement celui des meneurs de la Convention, et à l’achèvement duquel la majorité de cette assemblée a donné cons-