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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 2 1882.djvu/64

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s’était défendue de prendre aucune délibération, par la très-bonne raison que, n’étant pas formée de la majorité des électeurs, elle ne pouvait agir en sa qualité d’assemblée électorale, s’étant réunie dans un petit foyer de la comédie, et m’ayant nommé président d’âge, se mit à entendre quelques orateurs qui proposèrent de déclarer l’assemblée permanente, et de passer la nuit dans la salle du théâtre pour y attendre l’arrivée des autres électeurs. On en était là lorsque quelqu’un vint instruire l’assemblée qu’il se faisait, au moment même, sur la place du Théâtre-Français, une proclamation qui enjoignait aux électeurs rassemblés de se séparer, sous peine d’être déclarés coupables du crime de lèze-nation. Le nouvelliste raconta en même temps que le peuple avait hué les proclamateurs ; qu’ils étaient éclairés par des torches qui semblaient être celles de l’enterrement de la Convention.

Ce récit ayant encouragé les assistans, on reprit et on décréta la proposition faite de rester assemblés, et d’aller s’installer au théâtre. Je m’y rendis ; mais, en regardant autour de moi, je m’aperçus que, d’une centaine de personnes que nous étions au foyer, à peine en restait-il vingt-cinq ou trente. Je dis à quelques-uns de mes voisins que j’étais trop vieux pour passer la nuit sur un banc ; je revins chez moi, et tous firent bientôt de même : de sorte qu’un détachement de troupes avec du canon étant venu vers minuit pour cerner le théâtre, le commissaire qui conduisait l’expédition ne put