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Page:Mémoires inédits de l'abbé Morellet tome 2 1882.djvu/66

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l’assemblée nouvelle, fit aussi un décret pour déclarer traîtres à la patrie les électeurs qui avaient été au Théâtre Français, mais ce décret, à cause de son atrocité même, ne fut point exécuté. Plusieurs de ceux qu’il menaçait se cachèrent jusqu’au jour où devaient commencer les élections ; quelques-uns même n’osèrent pas se rendre à l’assemblée électorale. Je couchai hors de chez moi pendant huit à dix jours, ce qui ne m’empêcha pas de me rendre le 20 à l’assemblée des électeurs, aux Petits-Pères de la place des Victoires. Nous avions six députés à nommer. Des six candidats qui avaient eu la majorité des suffrages, Pastoret, Anson, et je ne sais quels autres, donnèrent leur démission. J’étais immédiatement après eux pour le nombre de voix ; mais j’écrivis au président pour lui faire savoir que je n’accepterais pas, et on passa au suivant, Le Couteulx de Canteleu, qui avait le plus de voix. après moi.

Je refusais la députation par de bonnes raisons : l’une était la nullité dont je serais au conseil des Cinq-cents, où ma renommée d’aristocrate m’eût fait bientôt fermer la bouche (car, en ma qualité de célibataire, je ne pouvais entrer aux Anciens) ; et l’on sait comment les députés, une fois signalés comme mauvais patriotes, étaient accueillis de huées dès qu’ils paraissaient à la tribune. Une seconde et très-forte raison de mon refus était la répugnance que je sentais à partager les fonctions de