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priait la providence des amoureux de ne pas trouver de fiacre.

Ils longèrent ainsi la rue Castiglione, la place du Carrousel. Toujours pas de voiture !

— Mais c’est désespérant, Monsieur, comment faire ! Je ne peux pourtant pas rentrer chez moi ainsi mouillée ?

— Fiez-vous à moi, Madame ; Madame ?

— Marie, Monsieur.

— Eh bien, madame Marie, n’avez-vous pas mon bras et mon parapluie ?

— C’est vrai, Monsieur ; le parapluie de famille, n’est-ce pas ?

Et la jeune fille de rire aux éclats, et Emmanuel d’en faire autant. C’est si bon, le rire de la jeunesse !

Permettez-moi maintenant de vous présenter mon héros. Emmanuel Loudan avait 26 ans, son père, riche propriétaire vinicole, l’avait envoyé de bonne heure à Paris. Bachelier ès-lettres et ès-sciences à 17 ans, il s’était présenté à St-Cyr ; reçu un des premiers, il avait fait ses deux ans, puis, dégouté de cette vie militaire, il suivit le cours de droit, voulant embrasser la carrière d’avocat qui, disait-il, conduit à tout. « Il prévoyait l’avenir. » Petit, mais très élégant de tournure, ses cheveux blonds, tout frisés,