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Si la religion a quelquefois exercé une heureuse influence sur l’art, il faut ajouter que l’art lui a bien payé sa dette, et que l’influence a été réciproque. Les poëtes et les sculpteurs ont été les véritables théologiens de l’Hellénisme, car ce sont eux qui ont donné un corps aux croyances populaires ; la poésie a fixé les traditions mythologiques, la sculpture a précisé les types divins. Les Dieux de la Grèce n’ont plus aujourd’hui ni temples, ni fidèles ; mais quand, après plus de mille ans, on retrouve leurs images sous quelque buisson de la Grèce ou de l’Italie, l’art les a rendues sacrées, et on les entoure de respect et d’admiration. Même dans le Christianisme, l’œuvre des artistes a été bien plus grande qu’on ne le croit généralement. Les légendes des saints sont une véritable littérature populaire, où le clergé n’a eu qu’une faible part. Le culte de la Vierge n’est pas sorti tout entier de quelques versets de l’Évangile : à l’idéal féminin qui flottait confusément dans la pensée du moyen âge, il fallait une forme définitive ; l’art de la Renaissance la lui a donnée, et le véritable apôtre de la Mère de Dieu, c’est Raphaël.


La Morale et la Religion.


La beauté est la loi du monde physique ; la justice est la loi du monde moral. L’idéal moral ne peut être réalisé que par la libre volonté de l’homme, et il dépend de nous qu’il le soit. Entre les formes possibles de notre activité, il y en a une que nous savons la meilleure, la seule qui convienne à la dignité de notre nature. Nous ne sommes satisfaits de nos actes que lorsqu’ils sont conformes à cette règle, et nous éprouvons une répugnance naturelle pour ceux de nos semblables qui ne s’y conforment pas. L’appréciation de la beauté est variable, et nul ne peut reprocher à son voisin de ne pas partager ses goûts ; la loi morale, au contraire, a un caractère obligatoire ; les axiomes de la conscience sont impératifs ; ils s’imposent par leur évidence, et l’on ne peut s’empêcher de les admettre. Cette certitude est même supérieure à la certitude scientifique, car elle n’a pas besoin d’être vérifiée ou démontrée. Elle existe chez tous les hommes, et si l’un de nous transgresse la loi morale, les autres sont persuadés qu’il a su ce qu’il faisait et qu’il aurait pu faire autrement.

Cette persuasion, fondée sur la foi au libre arbitre de l’homme, entraîne la réprobation des actes contraires à la justice et le droit social de punir. Mais ce droit, la société ne peut pas toujours l’exercer, et souvent aussi elle l’exerce mal. La conscience humaine proteste contre cette impuissance et contre ces erreurs ; il lui faudrait un tribunal d’appel, dont les jugements infaillibles s’exécuteraient au delà des bornes de la vie. La morale demande cette sanction suprême à la religion, qui la lui offre sous différentes formes ; le Monothéisme punit le coupable dans sa postérité, solution dont l’insuffisance fut corrigée plus tard par le dogme de la résurrection ; le Panthéisme conduit l’homme à travers des transmigrations expiatoires ; le Polythéisme affirme l’immortalité de l’âme et fait de chacun de nous l’artisan de sa destinée. Quant aux religions modernes,