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du symbole, comme elle exprime par des images les idées qui s’éveillent dans l’esprit au contact des apparences. Ces symboles qui traduisent les croyances religieuses sont comme elles des œuvres spontanées et populaires. C’est par ce caractère collectif et cette expression concrète que la religion se distingue de la philosophie, qui ne représente que des opinions individuelles et les expose en termes abstraits.

On ne conteste plus aujourd’hui le principe symbolique des religions de l’antiquité, mais on croit à tort que la mythologie tient moins de place dans les religions modernes. La création des symboles n’est pas particulière à la jeunesse des races. L’élaboration des dogmes bouddhistes et celle des dogmes chrétiens ont présenté le double exemple d’une métaphysique empruntant le langage de la mythologie pour devenir une religion. Dans les écoles de la Gnose, toutes les traditions philosophiques et religieuses fournissaient des éléments à la mythologie chrétienne qui essayait de naître ; les noms hébreux s’y mêlaient aux noms grecs, les principes abstraits s’associaient aux forces élémentaires et sidérales. Dans cette fièvre d’allégories, chacun modifiait le symbole à sa guise, personne ne le prenait à la lettre : c’était une forme qui semblait aussi légitime pour traduire des conceptions métaphysiques que la parabole pour exprimer des idées morales. Mais comme les fleurs d’avril aux premières giboulées, cette riche floraison disparut presque tout entière au souffle desséchant de l’orthodoxie et il n’en est resté que des lambeaux dans les dogmes de l’Église. Il est vrai que la mythologie chrétienne s’est enrichie d’un autre côté par les légendes des Saints, qui tiennent dans la religion du moyen âge la même place que les traditions héroïques dans l’Hellénisme ; mais ces légendes sont à peu près oubliées aujourd’hui.

La mythologie des Juifs et celle des Musulmans sont les plus pauvres de toutes parce que la race sémitique a peu d’imagination ; mais quand les mêmes dogmes ont été transportés chez d’autres races, la mythologie a repris ses droits. Ainsi les Chyites, qui sont les musulmans de la Perse, ont adapté d’anciennes fables mazdéennes au personnage d’Ali, comme les chrétiens ont emprunté aux Grecs la chute des Titans pour en faire la chute des Anges, dont la Bible juive ne dit rien.

Il y a dans la langue de notre époque une sorte de mythologie dégénérée que nous n’essayons pas même d’accorder avec notre système religieux. Ainsi quand on parle de l’ordre universel ou de la loi de gravitation, on ne manque jamais de s’incliner devant la sagesse de l’Auteur de toutes choses ; mais si l’on analyse quelque ingénieuse machine de meurtre, comme les griffes du tigre ou les dents de la vipère, ou si l’on constate les effets pernicieux de nos attractions instinctives, on ne parle plus que de la Nature, qui se voit personnifiée pour la circonstance. Quand il nous arrive un événement heureux, nous en remercions la Providence ; mais si un malheur nous frappe, nous n’accusons que le Hasard ou la Fatalité. On sait bien que les formes innombrables du mal et de la douleur entrent