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dance absolue de la raison individuelle. La diversité de ces traditions oblige chacun de nous, qu’il le veuille ou non, à s’ériger en juge et à demander sur quels fondements repose une croyance, avant de donner ou de refuser son adhésion. Ce n’est pas qu’on puisse exiger des démonstrations et des preuves scientifiques, car la religion n’est pas la science, mais il faut bien s’informer des motifs qui ont pu décider d’autres hommes, ayant une intelligence comme la nôtre, à accepter telle ou telle solution des problèmes religieux.

Tant qu’une société est isolée, elle a sa tradition et n’en connaît pas d’autre ; chacun croit ce qu’on lui a appris à croire et ce qui est admis autour de lui ; ceux qui pensent par eux-mêmes sont peu nombreux, et leurs opinions particulières n’ont jamais sur le public l’autorité du consentement général. Mais quand les relations des peuples et l’étude des monuments historiques ont fait connaître les formes multiples de la religion, on ne peut plus s’appuyer sur ce consentement qu’on croyait général et qui ne l’était pas. Au dernier siècle, on se persuadait que la croyance monarchique à un Être suprême était universelle ; mais le Polythéisme, étudié plus scientifiquement, nous offre une religion républicaine, le Panthéisme nous montre le dogme de l’unité divine sous une forme très différente du Déisme des philosophes, des Juifs et des Musulmans. On ne peut même plus dire que la croyance à un ou plusieurs Dieux soit commune à tous les pays et à tous les temps, car, depuis qu’on a étudié le Bouddhisme, on est forcé d’y reconnaître une religion athée, et c’est celle-là qui a les fidèles les plus nombreux, le clergé le plus puissant, et les plus étranges superstitions.

Devant ces divergences du suffrage universel, le premier mouvement est de se dire, s’il s’agit d’une religion ancienne : que ces gens-là étaient arriérés ! d’une religion étrangère : que ces gens-là sont barbares ! Moi et ceux de mon Église nous devons avoir raison, et tous les autres ont nécessairement tort. Puis on réfléchit que si l’on était né dans un autre pays et dans un autre temps, on croirait tout autre chose que ce qu’on croit, et cette réflexion diminue la sécurité de la foi. On arrive à comprendre que d’autres hommes ont pu et peuvent penser autrement que nos concitoyens et nos contemporains. On reconnaît enfin qu’il faut étudier et comparer toutes les opinions pour choisir en connaissance de cause, et que chacun se rendrait mieux compte de ses croyances s’il apportait à l’examen des autres religions la justice impartiale qu’il réclame avec raison pour la sienne ; si, après cet examen, on s’en tient à celle qu’on a reçue, du moins on sait pourquoi. Quelques-uns, découragés, renonceront à toute foi religieuse : c’est leur droit ; peut-être s’efforceront-ils d’interdire à l’esprit humain une curiosité qui leur paraîtra stérile ; mais, comme la religion répond à une aspiration de l’âme, ou si on veut à une bosse du cerveau, la grande masse de l’humanité ne s’arrêtera pas à cette fin de non-recevoir.

L’examen est donc le point de départ nécessaire de la foi, et chacun est