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IV

DE LA NATURE DES DIEUX ET DE LA QUESTION DU MAL


Les Lois physiques et les Lois morales.


Les impressions qui nous viennent du dehors et qui forment l’objet immédiat de la connaissance ne sont que des rapports entre nous et des causes inconnues, qui ne se révèlent à nous que par leur action. Nous ne savons rien de leur nature si ce n’est qu’elles sont des forces, puisqu’elles agissent sur nous ; à notre tour nous réagissons sur elles, car l’homme aussi est une force, c’est-à-dire un principe de mouvement, et une cause première, puisque ses actes émanent de sa volonté. Mais l’ordre des mouvements dans le temps et dans l’espace nous montre, dans les causes qui les produisent, non-seulement des forces, mais des lois, et tel est le sens étymologique du nom que les Grecs donnaient aux Dieux : « ils les appelaient ainsi, dit Hérodote, à cause de l’ordre qu’ils établissent dans l’univers. » Or nous sentons aussi en nous une loi comme nous y sentons une force ; cette règle intérieure qui vit en chacun de nous n’est pas imposée à l’homme ni distincte de lui ; elle n’est pas non plus son œuvre ni la conception abstraite de sa pensée, elle est lui-même, puisqu’elle est sa conscience et dirige sa volonté. L’homme trouve donc en lui-même l’idée d’une loi vivante comme il y trouve celle d’une force libre, et c’est d’après ce type qu’il conçoit les principes actifs de l’univers.

Cette assimilation, point de départ de ce qu’on a nommé l’anthropomorphisme, n’a rien d’arbitraire, c’est une nécessité logique : notre esprit n’admet pas d’effet sans cause, tout mouvement suppose une force, toute action régulière une loi ; les actes dont nous ne trouvons pas le principe en nous-mêmes, nous les rapportons à des causes extérieures : ces causes sont des forces puisqu’elles agissent, et puisque leur action est régulière elles sont des lois. Sans ce caractère, qui leur est commun avec lui, l’homme ne les connaîtrait pas ; c’est donc avec raison qu’il les conçoit à son image. Mais l’assimilation doit s’arrêter à ces termes généraux, et tout le travail ultérieur de l’observation et de la réflexion a pour but de marquer les différences qui distinguent l’homme des puissances multiples de l’univers, de découvrir, s’il se peut, la nature cachée de ces forces qui se manifestent par le spectacle changeant des apparences, de ces lois d’équilibre, de proportion et d’harmonie qui se révèlent à l’esprit par l’ordre universel.

Les Dieux sont, l’homme devient. Cette distinction a besoin d’être éclaircie par des exemples, parce que la langue française ne peut rendre l’idée d’une perpétuelle naissance qui est contenue dans le mot grec γένεσις.