Page:Ménard - Du polythéisme hellénique, 1863.djvu/303

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à quelle hauteur peut s’élever une nature simple et inculte sous l’influence de l’enthousiasme religieux. Les pythies étaient des femmes du peuple, et leurs paroles ne sont le plus souvent que l’expression de la conscience populaire. La morale sociale qui faisait vivre les républiques grecques n’était pas le privilège de quelques-uns, mais le patrimoine de tous. Si les femmes ne pouvaient prendre part à la guerre ni aux agitations de la place publique, elles n’en avaient pas moins le sentiment de la patrie et de la liberté, puisqu’elles faisaient des héros. Les mêmes idées morales, les mêmes principes politiques inspiraient et la pythie qui rendait les oracles, et le prêtre qui les recueillait, et le démagogue qui les interprétait, et le peuple tout entier, qui y trouvait toujours un sens conforme aux intérêts de la patrie.

Mais on accorde rarement aux religions étrangères la justice qu’on réclame pour la sienne, et depuis qu’on a cessé d’attribuer les oracles au Diable, comme le faisaient les auteurs chrétiens, on veut du moins que les prêtres ou les principaux citoyens de Delphes aient dicté les réponses de la Pythie. Il eût été difficile, cependant, qu’une fraude aussi grossière se renouvelât pendant si longtemps sans être trahie par aucune indiscrétion et sans exciter aucun soupçon. Les Grecs étaient trop jaloux de leur liberté pour laisser à quelques Phocidiens une pareille influence sur les affaires politiques, ceux-ci, de leur côté, avaient un très grand intérêt à ne pas compromettre la réputation d’un oracle