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BLANCHE


Mais à ces visions du ciel j’ai dit adieu
Un rève de l’enfer m’embrase et me pénètre :
J’aime come jamais je n’avais aimé Dieu !
— Confiez-vous en lui, mon enfant, dit le prètre.
Qoiq’il ait fait du cloître un port tranqile et sùr,
Il ne condamne pas l’amour dans un cœur pur.

— Non, mon amour n’est pas de ceus qe Dieu pardone :
Sa clémence ne peut à ce point dépasser
Sa justice. Ô mon Dieu ! ma force m’abandonne !
Son nom ! je n’oserais jamais le confesser… »
Et le prètre, penché sur èle, et sans aleine,
L’entendit murmurer le nom de Madelène.

Blanche, en le prononçant, tomba mourante aus pieds
Du vieillard. Lui, devant cète douleur immense,
Redoutait de plonger ses regards foudroyés
Dans ce goufre insondé de honte et d’inocence,
À ce crime sans nom craignant de pardoner,
Et devant tant de pleurs n’osant pas condamner.

Lorsq’èle eut épuisé le fiel de son calice,
Blanche sentit la pais dans son cœur revenir,
Et voulut préparer son àme au sacrifice
Q’èle avait maintenant la force d’acomplir.
Bientôt èle jura de renoncer au monde,
Et le fer fit tombet sa chevelure blonde.

Qelqefois, à genous pendant un jour entier,
Èle écoutait la vois qi parle aus solitudes.
Il lui semblait alors q’à force de prier
Sa crois était moins lourde et ses combats moins rudes,
Et mème èle i trouvait une amère douceur.
Mais un jour èle lut un billet de sa soeur :